Le chien de berger et le loup

Par un caprice du plus puissant des  Dieux,
Un Loup fut privé du  goût de la chair.
En vain il supplia les cieux,
Ce ne fut que prières en l’air.
 
Enfin résigné à son sort cruel,
D’un jardin il commença la culture.
Des jeunes fleurs il étudiait les boutures,
Afin de remplir son écuelle.
 
Le Chien du berger voisin s’étonna,
Qu’aucune brebis à l’appel ne manqua.
Voyant tous les jours même phénomène,
Il s’inquiète du Loup qui ne s’amène.
 
Car il se disait en son fort intérieur:
«Il s’est pourvu d’une tactique meilleure,
Afin que pour l’année il se pourvisse,
Sans pour autant que je le visse».
 
Sur cette pensée il se met en quête,
Et du Loup il débusque la tanière.
S’étonnant de son activité jardinière,
Il commence son enquête:

«Messire Loup que faîtes-vous en ce vert pâturage,
Ce n’est point-là le fait de votre race,
Que de la terre subir les traces.
Vous voilà bien rendu sage!»
 
«Messire le Chien passez votre chemin,
Mon état, grande honte m’inspire
Sur ces labours péniblement je transpire,
Et n’en veux point de témoins».
 
Le Chien par l’affaire rendu curieux,
N’en demeure pas moins soupçonneux.
Le Loup voyant qu’il ne pourrait s’en sortir,
Décida de tout conter sans mentir.
 
Le gardien de troupeau, bien qu’il restât sceptique,
Au récit prêta une oreille sympathique.
Si bien que pendant quelques mois,
Il y retourna plusieurs fois.
 
Toujours il trouvait son ami jardinant,
Et s’étonnait de ce fait surprenant.
Le Loup au début par ce manège humilié,
S’habitua à cette visite amicale.
 
Tous deux échangeaient bonjour matinal,
S’en trouvant d’autant plus liés.
Un beau matin, maître Renard en ces bois de passage,
Surprit cette compagnie et en tira bon présage.
 
Sa ruse préparée, chez le Chien il se rendit.
Ce dernier, sans méfiance, prêta l’oreille,
À tout ce que le Renard prétendit,
Des plans de son ami de la veille.
 
«Messire le Chien vous faîtes peine à voir
Et l’on vous trouve bien sot dans tous les terroirs,
Lorsque sans escapade,
Il vous fait avaler sa salade.
 
Encore heureux pour votre situation,
Que je sois du nombre de vos amis.
Dans quel pétrin vous seriez-vous mis,
Si vous n’aviez connu cette concoction»
 
Maître Renard s’en fut après cet avis,
Laissant au Chien sa vengeance ruminer.
Voyant ainsi son amitié se terminer,
Pour son honneur il fallait qu’il sévit.
 
C’était pour l’aube avait dit le diffamateur.
De ce pas il alla se poster,
Afin de pouvoir mieux surveiller,
La hutte du Machiavel concepteur.
 
En vain toute la nuit il surveilla,
Le sommeil du jardinier velu.
Le Chien des paroles du Renard se défia,
Tant le silence était absolu.
 
Il comprit enfin sa grande erreur,
En entendant des brebis les pleurs.
Lorsqu’il arriva sur les lieux,
Renard son grenier avait bien pourvu,
De jeunes agneaux bien dodus.
Le Chien réfléchit avec sérieux,
Aux leçons à tirer de l’aventure:
Il ne faut pas juger les gens d’après leurs parures,
Ni d’après les mœurs de leurs ancêtres,
Et toujours sur ses gardes être,
Lorsqu’un d’un ami
L’on médit.